La Roquette, quand la ténacité paie… Les coulisses d’un site longtemps interdit
De beaux vols sont réalisés au départ de La Roquette en local et en distance. Ce décollage très pentu près du bourg des Andelys ouvre une vue superbe sur un méandre de la Seine, orienté face au sud-est. Le record de distance n’est que de 110 km, mais au terme d’un parcours exceptionnel vers Rouen et le littoral normand.
Ce que beaucoup ignorent c’est que ce terrain de vol libre a été plus longtemps proscrit qu’autorisé. Depuis 1978 et jusqu’à 2015, un arrêté municipal interdisait « la pratique des ailes volantes » sur ce coteau. (Arrêté de 1978 joint)
Les multiples démarches auprès de la commune, de la société de carrières et sablières à l’époque propriétaire, du Conservatoire des Espaces Naturels, des chasseurs et des autorités préfectorales butaient sur le même argument : « quand vous aurez leur accord, on verra si on peut vous donner le nôtre ». D’autant que le maire était propriétaire des terrains agricoles au pied du site.
Nous avons tout tenté. Un démarchage en porte à porte des riverains habitant au pied du coteau avec deux documents au choix à signer : pour ou contre ? Nous avons enregistré 21 avis favorables et 4 défavorables. Parmi les motifs invoqués à notre encontre, la quiétude et l’intimité dans les jardins survolés et un avis motivé mémorable : « ça ne sert à rien, ça ne fait que tourner en rond » !
Nous sommes reçus en délégation au conseil municipal en juin 2005. Notre argument est que si notre activité est autorisée, le club sera l’interlocuteur joignable pour réguler l’activité. Nous déposons solennellement les avis recueillis. À l’issue de cette réunion du conseil, le vol libre avait même obtenu gain de cause ; enfin nous le croyions car c’est ce que m’avait dit au téléphone la secrétaire de mairie. En fait, en joignant le maire personnellement, la victoire s’avère à la Pyrrhus : nous avons obtenu l’accord de voler « après la chasse et avant les cultures ». Autrement dit après fin février et avant mi-mars ! Cet accord, bien que respecté, fait long feu, une nouvelle réunion du conseil le fait retirer sous la pression des chasseurs.
Chaque année, nous demandions l’accord de la maire et du Conservatoire pour débroussailler. Nous avions un feu vert assorti de la précision que le vol n’était pas autorisé pour autant !
Enfin en 2016, après plusieurs biplaces offerts à des conseillers municipaux et un vol partagé avec une personne non-voyante, le conseil municipal aborde le vol libre une nouvelle fois et lève l’arrêté municipal d’interdiction. Dans la foulée, une convention est signée pour la pratique du vol libre avec le Conservatoire des Espaces Naturels normands devenu dans l’intervalle propriétaire du coteau.
Le chantier bénévole sur le site, quelques semaines plus tard, inclut la pose d’un panneau FFVL d’information et un pot d’amitié au champagne !
Une nouvelle avancée est en action grâce à la volonté du club Eurenciel-MJC de rendre ce site accessible pour les vols Hand’Icare. La pente du coteau est telle qu’il est impossible de décoller en fauteuil, d’où l’idée d’aménager le plateau sommital avec du remblai pour réaliser un dôme praticable en fauteuil.
L’obtention des autorisations de travaux n’a pas été simple car le terrain est en bordure d’un espace classé Natura 2000. Les demandes d’autorisation avec le « dossier d’évaluation des incidences sur site naturel classé » montés en 2021 ont abouti. Le montage des financements a lui aussi débouché. Merci à l’ANS (Agence Nationale du Sport) et au Fonds de soutien aux initiatives solidaires de la Caisse d’Épargne.
En 2023, la partie foncière du projet a franchi un pas décisif avec l’acquisition par la FFVL des 2 230 m2 de terrain sommital pour y aménager le dôme d’envol et l’aire de préparation. La signature chez le notaire a eu lieu le 15 février. La parcelle achetée est désormais affectée pour toujours au vol libre. J’ai eu l’honneur d’avoir la délégation de signature de Jean-Louis Coste, président de la FFVL. Pour l’anecdote, en arrivant chez le notaire, je reconnais la personne venue signer pour le compte de la société des sablières : c’est le chargé du foncier venu nous enjoindre de cesser nos vols dix ans plus tôt ; retour vers le futur !
Un chantier réalisé en mai par les bénévoles d’Eurenciel a permis le dégagement des broussailles et de la végétation de cette clairière sommitale. Le chantier de terrassement avec les engins a commencé en juin et devrait aboutir à un beau dôme d’envol en septembre.
Une convention vient d’être signée entre la FFVL et le Conservatoire pour leur donner le droit de passage sur la parcelle acquise pour acheminer leurs moutons sur le coteau. Pour moi, c’est tout un symbole : c’est la première fois qu’une convention que je cosigne va dans le sens d’accorder plutôt que de demander !
Voici ce message du maire reçu ce printemps : « Bravo aux petites fourmis de votre équipe. Voilà un travail bien fait. Il n’y a plus qu’à prendre du plaisir dans votre sport. Aux beaux jours prévenez-moi, je viendrai faire un petit tour avec vous. Bien à vous. » Signé : le maire de La Roquette. Le conseil, qui a durant de si longues années interdit le vol libre, nous octroie une subvention de 300 € pour les travaux.
Le parcours de ce terrain de vol révèle qu’un site n’est pas juste un cadeau de la nature mais le fruit d’un travail de longue haleine, un bien précieux et fragile à préserver.
À noter que ce site reste technique du fait de la pente aiguë. Le nouveau décollage ne sera praticable que par vent faible car il est situé dans la compression.
À noter également qu’au niveau espace aérien, une convention préconise de demander une clairance à la base aérienne 105 pour monter dans leur espace aérien à 1 500 pieds au-dessus du décollage.
Informations : https://federation.ffvl.fr/sites_pratique/voir/1094 et https://www.eurenciel-mjc.fr/handiciel/blog
Roland Wacogne