La Coupe Icare fêtera cette année sa cinquantième édition.
La Coupe Icare fêtera cette année sa cinquantième édition.
Le programme complet des manifestations :
100 POÈMES DANS LE CIEL : LA COUPE ICARE DES ENFANTS DE St HIL.
Coupe Icare, c’est la fête pour tous ! Enfin… plus ou moins pour les habitants du Plateau pas forcément toujours contents d’être arrêtés par des barrières et des gendarmes quand ils veulent rentrer à la maison. Mais on peut au moins compter dans les foyers sur le soutien indéfectible d’un lobby puissant : les enfants ! Les enfants et, derrière eux, les écoles du Plateau et les instits’ sont des acteurs enthousiastes autant que toutes les associations, les pompiers, la paroisse, la chorale et le club de tricot !
Les écoliers sont des organisateurs à part entière de la Coupe à travers le concours d’avions en papier, une animation si populaire, et pendant la semaine, vous avez pu voir les gamins, très sérieux, accueillir leurs camarades des écoles de la vallée pour les guider à travers les animations.
Mais il fallait trouver moyen de les faire participer à l’acmé de la Coupe : Icarnaval !
Amener une classe agglutinée sous un grand parapente et la balancer sur la moquette ? Bah! Trouvons une idée raisonnable et plus adaptée : spectaculaire, esthétique, poétique, ni casse-cou, ni prétentieuse, mais surtout, qui fasse participer et qui soit l’œuvre de chacun des enfants du Plateau.
Alors voilà l’idée : 100 poèmes dans le ciel !
Chaque écolier du Plateau des Petites Roches va choisir une poésie selon son cœur et l’écrira sur un long ruban de couleur. Les rubans formeront le plumage multicolore d’un oiseau qui emmènera les 100 poèmes vers les nuages !
Et ce sont les minots des petites classes qui ont pris de l’avance : puisqu’ils ne savent pas encore écrire, ils ont richement décoré les ailes de l’oiseau de leurs dessins. Chacun, au jour J, verra son avion, sa montgolfière, son oiseau…. s’envoler sur les ailes de l’oiseau !
La tête de l’oiseau est elle aussi magnifiquement décorée par les petits.
Pas difficile de trouver un papa-pilote de haut niveau à St Hil ! « Alpes is Here » fournit la voile, et Supair les coupons de tissu pour les rubans, WingShop des ailes déclassées où tailler le reste si nécessaire. Avant même les vacances, l’oiseau des 100 poèmes est prêt à porter dans le ciel la parole des enfants. À la rentrée, chaque écolier rédigera son quatrain sur son ruban avant de venir l’ajouter au ramage de l’oiseau.
Ce ne sera certainement pas le déguisement le plus extravagant de la Coupe Icare, mais à coup sûr le plus émouvant !
Interview : Daniel Raibon-Pernoud
Daniel Raibon-Pernoud, créateur de la première Coupe Icare en septembre 1974, puis président de l’association Coupe Icare jusqu’en 2019, a accepté avec gentillesse de répondre à nos questions.
Comment as-tu découvert Saint-Hilaire ?
J’y suis arrivé à l’âge de 25 ans. J’y ai retrouvé mes cousins. Je viens de la banlieue parisienne et c’est en faisant des études de commerce à Grenoble que j’ai découvert Saint-Hilaire.
Comment as-tu découvert le monde du vol livre ? Quelle a été ta pratique ?
J’étais le président du syndicat d’initiative de Saint-Hilaire et un jour, en mai 1974, avec Pierre Martin, on a vu trois personnes qui ont décollé en deltaplane du lieu-dit « le Pré qui tue ». On a été émerveillés. On a invité les pilotes dans la salle de l’ancienne mairie et, dans la foulée, on a acheté une aile à plusieurs. On a ensuite formé un club (le delta-club-Saint-Hilaire) puis, au mois de juillet, on a décidé de créer une compétition en regroupant toutes les personnes qui volaient en deltaplane.
J’ai découvert le parapente lors d’un stage à Mieussy en 1985. L’année suivante, nous étions une douzaine de Saint-Hilaire à y retourner.
Coupe Icare. Qui fut à l’origine du projet ?
Nous étions deux. J’ai eu l’idée d’associer à l’événement le mot « Icare » et Pierre Martin, qui était professeur d’EPS habitué aux compétitions de ski, a eu l’idée du mot « coupe ». Ainsi est née la première « Coupe Icare ».
C’est lors de la réunion des pilotes le samedi matin que l’on on a choisi les épreuves. On a décidé de faire une précision d’atterrissage, et on a envisagé toutes les manières de noter les concurrents (premier point d’impact, aile à l’arrêt, etc.). Comme il n’y avait pas d’inscriptions au préalable, on n’a pas la liste des participants à cette première Coupe Icare. On était une cinquantaine avec des Suisses, un Anglais (Mike de Glanville)…
La première année, on atterrissait au château de Crolles. Après la compétition, le préfet a demandé à ce que l’on sollicite une autorisation pour les années à venir. Mais, lors des manifestations suivantes, on a reçu l’autorisation par fax le lundi après la Coupe Icare !
Dès la première année, la manifestation a été annoncée dans le Dauphiné Libéré et dans « 38 », un journal gratuit local très lu à l’époque. Le ministre Aimé Paquet a fait savoir qu’il était très favorable à la manifestation. Le succès a été tel que l’axe routier Grenoble-Chambéry a été bloqué.
La deuxième année, il y avait des inscriptions donc on dispose de la liste de tous les participants. Les inscriptions étaient peu onéreuses. Pour l’équivalent de quinze euros, les concurrents avaient droit à l’hébergement et aux repas du samedi. Comme il n’y avait pas de restaurant à Saint-Hilaire, on mangeait dans le préau des écoles (200 personnes). Il y avait deux disciplines (durée de vol et PA avec deux cibles), mais les concurrents devaient utiliser le même deltaplane.
La FFVL fut-elle partenaire dès l’origine ? Avez-vous eu d’autres partenaires ?
Dès la deuxième année, le président Bernard Berthoud était présent à la remise des prix. À l’époque, on n’avait pas de partenaire, mais on fonctionnait avec un budget très limité. Seuls les pilotes payaient. Le funiculaire était gratuit.
Quelle a été la réaction de la population du plateau ?
Les réactions ont été très positives dès le départ.
Nous avons eu un problème dans les années 80 avec la maire de Saint-Hilaire qui voulait interdire la manifestation (elle voyait la Coupe Icare comme une nuisance et n’avait pas conscience des retombées économiques). Il y a eu comme une révolution dans le village ! Le président de la Communauté de communes l’a convoquée et le président du Conseil général est intervenu. La Coupe Icare a eu lieu et, ironie du sort, on a eu des subventions de toutes sortes suite à cet incident.
Financièrement, on peut dire que la Coupe Icare est actuellement comme un treizième mois pour les commerçants du plateau.
Les associations locales ont-elles été impliquées au départ ?
Les associations ont été progressivement de plus en plus impliquées.
À l’organisation proprement dite, on est resté une dizaine d’années avec seulement le club delta et le syndicat d’initiative.
Quelles furent les difficultés majeures des premières éditions ? Et quelles bonnes surprises ?
Les grosses difficultés sont arrivées avec les championnats du monde (deux heures de direct à la télévision). En effet, après ces championnats du monde, Saint-Hilaire a été un peu abandonné au niveau du vol libre car les compétitions internationales eurent lieu ailleurs.
On a quand même organisé les championnats d’Europe de biplace en 1981-82.
En 1983 a eu lieu le premier festival du film et, progressivement, la manifestation s’est transformée en une sorte de fête. Ça s’est passé progressivement. Quelques constructeurs de matériel vol libre sont venus, puis ça a fait tâche d’huile. Il faut rappeler que le salon n’était pas prévu au départ.
Quel a été ton plus mauvais souvenir ? Ton meilleur ?
En négatif : en 1977, il faisait grand beau et il y avait beaucoup de spectateurs. Mais un fort vent du nord rendait impossible les décollages. J’ai donc créé le premier décollage nord sous l’actuel tremplin de la Sapinière . beaucoup plus tard, une incroyable tempête le mercredi précédant la coupe a détruit le chapiteau des Icares du cinéma.
En positif : beaucoup de choses. Le plus étonnant : la présence du chinois Yong Wang dès 2010, avec en conclusion la signature d’un accord de collaboration en 2017 et la première édition de l’édition chinoise de la Coupe Icare en 2018.
Et si c’était à refaire ?
Je n’ai rien à regretter, tout s’est fait naturellement.
Je pense qu’on est arrivé à notre rythme de croisière. J’espère que la Coupe Icare va perdurer dans le même état d’esprit.
Daniel Raibon-Pernoud, interviewé par Alain Etienne pour Vol Passion, avec l’aide de Bertrand Burlot.
La FFVL tient à adresser tous ses remerciements à Daniel, autant pour l’énergie déployée pendant de nombreuses années au bénéfice de la Coupe Icare, donc du vol libre, que pour avoir accepté cet entretien.
Note de la rédaction : nous conseillons à nos lecteurs le très complet ouvrage « La fabuleuse histoire de la Coupe Icare », paru en 2019 aux éditions COUPE ICARE.
Interview : Martine Lang
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
J’étais animatrice socioculturelle. Je suis arrivée sur le plateau en 1978 pour travailler dans les établissements hospitaliers où j’exerçais dans un service d’enfants handicapés. J’y ai travaillé quelques années. Ensuite, nous sommes partis quelques mois à l’étranger puis, par choix, nous nous sommes fixés à Saint-Hilaire car nous aimions bien cet endroit.
Je voulais réorienter ma carrière professionnelle différemment et le syndicat d’initiative cherchait du personnel. J’ai donc candidaté et j’ai été embauchée pour les mois de juillet et août 1982. J’étais la première salariée du syndicat d’initiative. Et c’est ainsi que J’ai rencontré Daniel Raibon-Pernoud et Nicole Raibon.
À la fin de l’été, mon contrat avec le syndicat d’initiative a été prolongé.
À partir de cette date, mon travail au syndicat d’initiative a progressivement concerné la Coupe Icare.
Fus-tu actrice dès la première Coupe ?
Non. Je suis arrivée en 1982 à la Coupe Icare alors qu’elle avait débuté en 1974. Après les championnats du monde de 1979, Daniel a cherché à redonner du dynamisme aux activités du plateau. Nous sommes allés au festival du film spéléo à la Chapelle-en-Vercors et nous nous sommes dit : « Pourquoi ne pas organiser une manifestation du même type à Saint-Hilaire avec le vol libre ? »
Comment t’es-tu trouvée impliquée dans la Coupe Icare ?
C’est surtout à partir de septembre 1982 que j’ai été impliquée. On a travaillé sur le premier festival du film qui a eu lieu en 1983. Ça se nommait le « festival international du film de vol libre ».
Ensuite, en 1989, on a créé l’association Coupe Icare. Cette association loi de 1901 a obtenu l’agrément FFVL car elle prenait de plus en plus de place au cœur du syndicat d’initiative. J’ai donc continué à m’occuper en parallèle des activités touristiques du syndicat d’initiative et de la Coupe Icare. Au fur et à mesure le travail pour l’organisation de la Coupe Icare a pris de plus en plus de temps, pour occuper, en fin de carrière, tout mon temps.
Quelles furent tes attributions ?
Quand j’étais salariée au syndicat d’initiative, je m’occupais à la fois de l’accueil des touristes et de la Coupe Icare. Il faut savoir qu’à l’époque, il y avait de nombreux touristes à Saint-Hilaire. Nicole et Michel Raibon, les cousins de Daniel, ont construit de nombreux petits gîtes. Il y avait 800 lits de tourisme à Saint-Hilaire. En plus du tourisme estival, on faisait du ski à Saint-Hilaire, même et au col du Coq.
Il y avait une énergie étonnante avec de nombreuses manifestations, bals, fêtes diverses…
En ce qui concerne la Coupe Icare, je me suis toujours occupée de l’administratif et de l’organisation.
Décris-nous tes principales difficultés ?
Ce furent essentiellement des problèmes matériels. Un chapiteau qui fut détruit par une tempête, un autre qui n’a pas été livré ! Cette année-là, Daniel a cherché en urgence un grand chapiteau équivalent, mais il n’en a pas trouvé. Après de nombreuses recherches, il a finalement déniché des chapiteaux d’une autre taille et, à la dernière minute, on a changé toute l’implantation. Que de nuits blanches pour Daniel !
Un événement avec des conséquences amusantes. Lors du conflit avec la maire (qui voulait interdire la Coupe Icare !), les gamins de Saint-Hilaire ont rédigé une pétition dans le car de ramassage scolaire.
Un merveilleux moment ?
J’ai vécu de nombreux moments émouvants. Par exemple, lorsque Francis Rogallo, l’inventeur du deltaplane, était sous le chapiteau avec son épouse ou quand, au concours de déguisements, la cigogne ou l’oiseau de feu ont décollé… ou encore lors de la rencontre en 2015 entre Bill Moyes, le constructeur de delta australien, et Bertrand Piccard qui a fait le tour du monde en ballon et a été à l’origine du projet Solar Impulse.
Pour beaucoup d’évènements maintenant au programme de la Coupe Icare, il n’y a pas eu au départ de décision de la part des organisateurs. Par exemple, en 1983, Alain Jacques de l’école Prévol se présente spontanément au décollage déguisé dans une charentaise volante. Une idée de génie qui sera à l’origine du concours de déguisements.
Si c’était à refaire ?
On recommencerait, c’est évident. L’expérience était passionnante et pour moi, qui ai passé beaucoup de temps dans un bureau, très enrichissante. On vit un grand soulagement après chaque Coupe Icare, quand on prend conscience qu’après toutes les galères et problèmes matériels de tous ordres, tout s’est bien passé et que tout le monde quitte le plateau satisfait.
J’ai vécu une aventure magnifique grâce à Daniel et toute l’équipe. Je tiens à remercier également les très nombreux bénévoles (1 300 ces dernières années) qui ont contribué à faire de la Coupe Icare la plus grande manifestation mondiale de vol libre.
Propos relevés par Alain Etienne avec l’aide de Bertrand Burlot.
Photo issue du livre « La fabuleuse histoire de la Coupe Icare », en vente lors de l’édition 2023 de la Coupe Icare.
Tous nos remerciements à Martine qui a su depuis de nombreuses années assurer les tâches ingrates de l’organisation de la Coupe Icare avec compétence et bienveillance.
NOCES D’OR
C’est une histoire de « Monsieur et Madame ont un fils… ».
En 1974, Madame Saint-Hilaire tombe amoureuse de Monsieur Vol Libre, et, dans l’enthousiasme, lui fait un enfant : on l’appelle « Coupe Icare ». Une union qui sera aussi durable que prolifique : 50 ans après, c’est toujours le grand amour, et une progéniture généreuse avec un beau bébé chaque année, sans coup férir.
Pourtant, ce premier rejeton est un petit bâtard car cette union est doublement illégitime. En effet, l’enfant n’est pas déclaré, comment le pourrait-il ? M. Vol Libre est un clandestin : le seul texte réglementaire où il est mentionné est un décret lapidaire du préfet du Var disant sobrement : « Le vol libre est interdit ». Et qui pour bénir leur union ? La FFVL n’a déposé ses statuts que deux mois avant. Et les parrains de l’enfant, Daniel Raibon-Pernoud en tête, ne sont qu’une petite bande de potes qui sont a 1 000 lieues d’imaginer qu’ils organisent une « manifestation aérienne ». Ayant observé en mai avec stupéfaction trois calus décoller de l’alpage de la dent de Crolles, ils ont aussitôt acheté par correspondance un fagot de tubes et de toiles accompagné d’une feuille A4, comme une étagère IKEA, leur promettant qu’une fois assemblé cela donne un truc appelé deltaplane (Dieu merci, si ça avait été vraiment du IKEA, ça aurait pu être Trulstorp ou Fjällberget !)… et que ça vole. Comme après moults essais, l’affirmation reste à demi convaincante, ils battent le rappel de tous les adeptes de France : c’est vite fait, ils sont juste quelques dizaines de pilotes, dont la plus grande majorité se retrouve donc à Saint-Hilaire. À cette époque, pas encore d’autoroute dans la vallée, seulement la départementale qui passe au pied de la falaise, mais est encore bien loin pour la « finesse » (on ose à peine utiliser le terme !) des deltas du temps. Mais les automobilistes effarés écrasent le frein quand ils voient les ailes littéralement tomber du ciel
La route est rapidement bloquée, les préfets dépêchent une escouade de motards en reconnaissance, pour savoir quelle cataclysme (avalanche, inondation ?) a ravagé le Grésivaudan et c’est ainsi que la préfecture de l’Isère entend parler pour la première fois du vol libre… et de la Coupe Icare ! Ils vont finir par s’y habituer ! 50 ans plus tard, la Coupe est la plus grosse manifestation sportive et populaire à la ronde (les années sans Tour de France), un enjeu politique pour le Département, la Région, qui a vu défiler des ministres, des Présidents de toutes sortes : de Région, de Département, de fédérations étrangères (pour la FFVL, la question ne se pose pas), des candidats à la présidentielle, des députés, des maires, et la presse du monde entier. Les organisateurs, et la Coupe elle-même, ont reçu des médailles (meilleure organisation de manifestation aérienne par l’Aéro-Club de France). Le petit bâtard qui n’avait même pas un âne et un bœuf autour de son berceau est aujourd’hui un notable.
Pourtant, ce ne fut pas un long fleuve tranquille. Pendant les premières années, la Coupe reste une compétition sportive assez confidentielle, où se retrouvent tous les deltistes de France, c’est-à-dire pas grand monde… jusqu’en 1979. Cette année-là, la Coupe est propulsée championnat du monde de vol libre. C’est un énorme succès, une balise dans l’histoire du vol libre en France… et évidemment de la Coupe Icare. Succès sportif, populaire et médiatique avec deux prolongements décisifs.
Le plus trivial, c’est que le succès populaire est aussi une réussite financière : la Coupe récupère un (modeste) trésor de guerre qui, géré en bon père de famille, s’est doucement renouvelé sans jamais fondre, assurant à l’organisation, d’une année sur l‘autre, une avance de trésorerie qui a permis à la bonne fourmi de traverser sans encombre les mauvais jours. 50 ans après, bonnes ou moins bonnes années, la Coupe ne part jamais de zéro et aborde toujours une nouvelle édition avec une (petite) pelote.
Car des années moins glorieuses il y en eut quelques-unes. Années pluvieuses, ventées, covid et paranoïa anti-terroriste n’ont pas eu raison de la Coupe. En 2015, la tempête n’arrêtera pas la Coupe, mais c’est le chapiteau du festival qui s’envole ! En 2016, malgré la menace d’interdiction, la seule victime de Vigipirate fut une valise oubliée dans une allée du salon : arrivés façon Apocalypse
Now en hélicoptère, les démineurs firent exploser les slips et les chaussettes d’un pilote colombien étourdi !
Et puis, comme dans tout vieux couple, entre la Coupe et le village, l’idylle connaît quelques orages. En 1997, la maire du moment n’hésite pas à déclarer que la Coupe est une nuisance pour la commune ! Mauvais calcul politique. Richard Gallon, né comme la Coupe en 1973, champion d’Europe, vainqueur de coupe du monde, Antoine Boisselier, vice-champion du monde, une génération est désormais née avec la Coupe, désormais génétiquement liée à Saint-Hilaire ! C’est d’ailleurs le père d’Antoine qui succède à la maire coupophobe, et ce sont les fils et filles des pilotes des premières coupes qui tiennent aujourd’hui les rênes de l’organisation. Les enfants des écoles du plateau sont des acteurs enthousiastes de la Coupe, qui sont fiers d’inviter et de cornaquer les écoles de la vallée invitées. Ils organisent eux-mêmes leur petite Coupe dans la Coupe, le concours d’avions en papier.
Le fabuleux succès des championnats de 1979 a deux autres séquelles : le vol libre peut attirer la foule, mais il sera impossible de faire plus et mieux. Alors, basta la compétition ! La Coupe sera désormais une fête, pour les pilotes et pour le public. C’est ainsi que naît l’idée des vols déguisés. Au début, en delta, un nez rouge, et on est déguisé. Avec le parapente, on ira très vite vers la démesure. Heureusement, en 1997, Adam et Ève, rappellent avec humour qu’on peut se payer un gros succès avec un costume, hum… ben, pas de costume du tout ! Sans entrer dans la surenchère de Francis Heilmann et de ses OVNI monstrueux qui squattent à eux seuls toute la moquette.
Un autre prolongement fera lui aussi florès : pendant le championnat, un documentaire est tourné qui est projeté en première partie du blockbuster « La Boum », qui lance la carrière de Sophie Marceau, et incidemment, procure une énorme publicité au vol libre. D’où la prise de conscience de l’importance de l’image. Or, la Dent de Crolles, que tout pilote se doit de survoler, est aussi un haut lieu de spéléo, mais c’est à La Chapelle-en-Vercors que les spéléos organisent un festival de cinéma. Alors, chiche… faisons aussi notre festival du film !
Le Festival du film suscite des opinions partagées. Il est amusant de relire dans Alpirando en 1987 un article très sévère d’Hubert Aupetit où il fustige la médiocrité, voire l’absence de scénarios et la banalité et le narcissisme des sujets. Rien à rajouter, ni retrancher des décennies plus tard… et pourtant, c’était l’année de l’inégalé et hilarant « Mad Max », mais dont le scénario n’était de fait pas d’une grande subtilité ! Mais le Festival a un intérêt plus furtif. L’image nous montre au Festival ce que nous pratiquerons en masse l’année suivante. Je ne peux identifier qu’une exception : c’est en 1984 que « Bird Sail » de Guy Prouin est primé, mais c’est seulement 30 ans plus tard que l’engin, devenu Wing Foil, devient populaire. Mais le plus bel enfant de la Coupe, c’est le parapente ! Depuis une bonne décennie, le parapente se développe doucement, mais confidentiellement, et reste confiné à Mieussy. Un film qui passe au Festival en 1985 (« Entre ciel et herbe »), et l’année suivante, Saint-Hilaire déboise et ouvre le « déco moquette » (sans moquette encore), et c’est le boum ! L’apparition du parapente, au Festival d’abord et aussitôt après, à la Coupe, pulvérise toutes les réticences (et il y en a de violentes chez de nombreux deltistes !) et sous la pression, l’aile souple entre à la FFVL et explose ! Le kite, les mini-voiles, l’acro, le vol bivouac, le speed-riding… les nouveaux matériels, les nouvelles pratiques, tout passe nécessairement par Saint-Hilaire ! D’abord au Festival, puis au décollage et au salon ! Le vol libre sous toutes ses formes et tous ses avatars, c’est « Vu à St Hil’ », forcément !
Last but not least : le Festival aura été un tremplin pour plusieurs réalisateurs en herbe devenus professionnels reconnus, comme Gilles Santantonio, un pilier d’Ushuaïa, et un bénéfique retour d’ascenseur, puisque l’émission de Nicolas Hulot, malgré les sarcasmes que celui-ci suscite chez beaucoup de pilotes, a énormément œuvré pour la promotion du vol libre.
Parfois, on peut se demander si les « organisateurs » organisent vraiment quelque chose, ou s’ils sont seulement merveilleusement doués
d’opportunisme et d’un flair exceptionnel. Presque tout a été spontané, sauvage, puis « récupéré » et mis en musique magistralement. Le salon,
au départ, ce sont deux fabricants (qui se souvient de Custom Sails ?) qui vendent leurs ailes à la sauvette sur le parking, au cul du camion.
Le premier kite que j’ai vu dans ma vie, c’est Olivier Blanc qui en gonfle un dans l’herbe au milieu des ailes d’occasion. Et mon premier
parapente, c’est Jean Cosnard (Edelweiss) en 1986, qui crie sur le décollage : « Qui veut un parapente ?» (à l’époque, ce genre de proposition douteuse a plutôt tendance à inciter les pilotes de delta à s’éloigner rapidement). Je lève le doigt, avec le regretté Pierre Bouilloux.
Très vite, les immenses chapiteaux sont dressés pour accueillir jusqu’à 200 professionnels du monde entier. Qui peut s’affranchir d’un
stand à Saint-Hilaire, même si on est un fabricant tchèque ou japonais ? Au début, pour les bénévoles, la Coupe commence par une corvée annuelle : aller récupérer à Grenoble la moquette d’Alpexpo après le SAM (Salon de l’Aménagement en Montagne) et… les panneaux électoraux de la ville de Grenoble pour cloisonner les stands. La même moquette d’ailleurs qui ensuite, ira habiller le décollage. Cet amateurisme « bout de ficelle » n’est plus de mise aujourd’hui. Dommage, peut-être.
Le bénévolat n’est pas une valeur en hausse dans la société. Pourtant, la Coupe n’a jamais manqué des centaines de bras qui la font tourner. Un
des moments les plus émouvants de la Coupe, c’était le dimanche soir, sous les chapiteaux vides, quand les bénévoles se réunissaient dans la
cafétéria désertée. Et je me souviens avec nostalgie de l’ébahissement de la Présidente de Région attardée s’étonnant : « Mais alors, c’est vous, là, qui organisez tout ça ? ».
Que reste-t-il de cette époque ? L’essentiel : LA grande fête mondiale du vol libre. Imitée mais jamais égalée. Des coupes Icare bis, on pourrait remplir cette page à les recenser : en Italie, en Sicile, en Espagne, en Chine, en Allemagne, en Angleterre, au Japon, sans parler des quatre coins de France, les petits cousins ont proliféré. Certaines de ces manifestations ont pu prendre des dimensions considérables, comme Bassano en Italie, mais aucune n’a résisté à l‘usure du temps. La Coupe Icare est bonne fille, le plagiat est un hommage, elle rend visite et reçoit les imitateurs, mais tous finissent par péricliter tandis qu’elle grandit encore. Devenue quasiment « professionnelle » elle doit néanmoins affronter une critique
récurrente des pilotes : à la Coupe, le pilote lambda ne peut pas voler, les décollages et l’espace aérien sont réservés aux démonstrations. Problem solved !
La Coupe Icare s’étend désormais sur une semaine. Un cadeau aux pilotes… et une ruse avec l’administration, qui maintenant surveille la Coupe comme le lait sur feu : la Coupe dure une semaine, mais (regardez attentivement l’affiche) n’est « manifestation aérienne » que sur les deux jours du week-end, avec appel au public. Tout le reste est réservé aux seuls pilotes : cinéma, salon, et surtout, journées de tests.
D’emblée un succès : un constructeur déclare que pendant la première édition d’Icare Tests, il a sorti plus de voiles que pendant tout le
reste de l’année ! Et donc, la Coupe reste pour longtemps un lieu où les pilotes du monde entier viennent voler et faire la fête, où la crème des pilotes
d’acro vient « se mettre la tête à l’envers, surtout au bal du samedi soir ! ».