Tests parachutes de secours de parapente – Laboratoire FFVL
La Pobla de Segur,
Du 15 au 17 septembre 2020 et du 10 au 12 août 2022
Objectifs de ces travaux
Choix de la taille du parachute
Mesurés effectuées :
- La moyenne des taux de chute mesurés est de 5 m/s. Au PTV max, le taux de chute augmente de 26 % en moyenne et on perd environ 1,3 m/s par rapport à un PTV mini.
- La vitesse moyenne des ouvertures est de 3,96 secondes. Il y a une différence d’environ 1,5 seconde entre une ouverture au PTV minimal et une ouverture au PTV maximal.
- Pour optimiser à la fois la vitesse d’ouverture et le taux de chute, il est déconseillé de se rapprocher du PTV maximal préconisé par le fabricant. Nous conseillons de se placer à 85 % du PTV maximal. Pour info, à 70 % du PTV maximal, on gagne 1,3 m/s de taux de chute, soit une amélioration de 30 % par rapport au taux de chute au PTV maximal.
- Ainsi, avec un PTV de 85 kg on a intérêt à choisir un secours avec un poids maximal de 100 kg, sauf si on veut privilégier à fond la vitesse d’ouverture. Une surface trop grande dégrade la vitesse d’ouverture, la stabilité et augmente l’effet de dérive.
- Ce qu’il faut retenir : nos mesures montrent clairement l’influence de la charge alaire sur la vitesse de déploiement et sur le taux de chute des parachutes. Dans la très grande majorité des situations, le choix d’un secours permettant de se situer 15 % sous le PTV maximal apparaît comme le meilleur compromis entre vitesse d’ouverture et taux de chute. En effet, au PTV maximal du parachute, l’ouverture est un peu plus rapide mais malheureusement le taux de chute est moins bon (+ 1,3 m/sec par rapport à un PTV 20 % au-dessous). Il n’est donc pas conseillé de se rapprocher du PTV maximal préconisé par le fabricant du parachute de secours.
- Il ne faudra cependant pas oublier que les vitesses d’ouverture dépendent aussi de la situation dans laquelle elles ont lieu.
- Pour info : le temps moyen de réaction et d’extraction d’un secours commandé par le moniteur en SIV est de 3,5 secondes entre la première consigne « secours » et le lâché de la poignée. En considérant le temps d’ouverture entre le lâché de la poignée et l’ouverture qui est de 4 secondes, cela donne un total de presque 8 secondes entre la consigne du moniteur et l’ouverture du secours.
- À savoir : les mesures faites lors de l’homologation des parachutes sont ramenées à une masse d’air standard au niveau de la mer (par calcul via une formule) : pression atmosphérique de 1013,25 hPa, température de 15° C et 0 % d’humidité. Il est donc essentiel de prendre en compte l’effet de l’altitude sur le rendement des parachutes : on perd, en théorie, 1hPa tous les 8 mètres. Il est également important de tenir compte de la température qui influe directement sur la densité de l’air.
Comment lancer son secours
À ce jour, d’après les expériences de pilotes, de moniteurs SIV et de ces deux dernières années de tests spécifiques, nous arrivons à la conclusion suivante.
La méthode la plus efficace consiste à lancer son parachute vers l’extérieur et au-dessus de l’horizon, avec un maximum de force et de vitesse. S’il y a une chose à ne pas faire, c’est d’extraire son parachute du container et de le laisser tomber.
Néanmoins, il faut être conscient du fait qu’il n’existe pas de méthode de lancer qui garantirait 100 % de réussite en toutes situations. Du fait de la multitude des situations auxquelles on peut être confronté lors d’une perte de contrôle de notre aile, c’est la capacité que chacun aura à comprendre la situation qui lui permettra de trouver le geste le plus adapté. Or on sait bien que l’effet de surprise qui caractérise la plupart des incidents de vol dégrade cette capacité jusqu’à provoquer parfois un état de sidération. Le plus important est donc de garder en tête une solution simple : lancer fortement à l’extérieur. Il faut aussi insister sur l’utilité de mettre en place l’automatisme d’extraction en faisant régulièrement une poignée témoin pour simuler le geste de lancer. C’est vital.
« Plus d’un tour, tu fais secours ». Ce message est un très bon message ! En cas de neutralité spirale, attendre plus d’un tour est très risqué car une très forte accélération peut très vite plonger le pilote dans un état de viscosité mentale ou un état de sidération qui l’empêchera d’agir. Tous les pilotes peuvent être concernés par ces phénomènes.
Comment neutraliser son parapente
Aux freins : facile à réaliser. Une fois que le pilote a récupéré ses deux commandes, il faut six à huit tours de freins pour neutraliser l’aile et cela prendra entre 4 et 8 secondes. Il faut veiller à la symétrie des gestes pour éviter que l’aile ne fasse des rotations. Attention ! Cette manœuvre est impossible à réaliser avec plus de deux tours de twist au niveau des élévateurs.
Aux « B » : dans la panique, il n’est pas toujours facile de distinguer les élévateurs B. De plus, l’effort à produire sera important et du coup il ne sera pas facile de tirer les B symétriquement et cela pourra entraîner des rotations de l’aile et l’apparition de twist, l’aile devenant alors ingérable. La manœuvre aux B devient impossible à réaliser à partir d’un tour de twist au niveau des élévateurs.
Aux « C » : comme pour les B, il n’est guère plus facile de distinguer les élévateurs C et l’effort à produire est assez important. Le débattement lors de la traction est important (plus de 30 cm). Même nécessité de symétrie qu’avec les B, sans quoi cela peut entraîner des rotations de l’aile, et même impossibilité de réaliser la manœuvre à partir de deux tours de twist au niveau des élévateurs.
Conclusion : neutraliser le parapente est important pour optimiser la stabilité, la dérive, le taux de chute du secours et empêcher l’effet miroir, mais cette neutralisation réclame de l’entraînement.
Le plus simple est clairement de le faire « aux freins ».
Vitesse d'ouverture selon un tissu normal et un tissu léger
Depuis l’apparition des parachutes light construits en tissu léger, nous avons remarqué que ces parachutes avaient des vitesses d’ouverture très rapides. Nous avons voulu vérifier ce point. Le problème est qu’il existe assez peu de parachutes conçus exactement de la même façon dans les deux versions (light et normale). Voici néanmoins le résultat de nos mesures avec des parachutes proposés en tissu « lourd » et « léger ». Nous avons fait ces mesures avec des secours d’abord pliés usine, puis repliés récemment.
Avec un pliage « usine », la version légère s’ouvre 3 secondes plus vite que la version normale.
Avec un pliage effectué le jour même, la version légère s’ouvre 1,1 seconde plus vite que la version normale.
Longueur des liaisons parachute sellette
Il existe des différences dans les longueurs de suspentage des secours. On a relevé, pour un même PTV, des longueurs de cône allant de 4,30 m à 5,80 m. Quelle est la longueur idéale ? Nous avons testé différentes configurations, avec des élévateurs de 80, 125 et 240 cm. Aucune configuration instable n’est apparue lors des descentes avec ces différentes longueurs de liaison.
L’essentiel est que le placement du bord d’attaque du parachute soit légèrement en dessous du bord d’attaque du parapente pour éviter le risque de « dévente » du parachute par la voile. Avec la plupart des ailes actuelles, pour obtenir un placement du parachute au-dessus de la voile, il faudrait relier le secours avec des élévateurs de plus de 2 m.
À l’inverse, il n’est pas judicieux de trop réduire la longueur des élévateurs du secours car cela dégrade la stabilité pendulaire.
Il faut éviter des élévateurs trop courts, inférieurs à 80 cm, pour un ancrage aux maillons de sellette ou trop longs, supérieurs à 130 cm, pour un ancrage aux épaules.
La longueur idéale des élévateurs se situe autour de 120 cm pour un ancrage aux épaules ou aux maillons de sellette.
Ancrage aux maillons principaux de la sellette ou aux épaules ?
Ancrage aux épaules
Avantage : après l’ouverture du secours, le pilote se retrouve automatiquement en position debout.
Inconvénients : la sellette remonte dans le dos du pilote, et cela d’autant plus que ses cuissardes ne sont pas serrées. Cette remontée de la sellette dans le dos empêche le pilote de bien relever sa tête pour neutraliser sa voile. En cas de dérive dans le vent et d’arrivée au sol sur le dos, il ne pourra pas se retourner vers le sol pour faciliter sa réception. En cas d’effet miroir, le pilote ne sera pas verticalisé, il arrivera au sol avec un taux de chute important et dans une position empêchant une bonne réception. Enfin, dans cette configuration les commandes de freins et les élévateurs peuvent devenir inaccessibles, empêchant le pilote de casser l’effet miroir.
Ancrage aux maillons de sellette
Avantages : le pilote conserve toute la mobilité de sa tête et l’usage de ses commandes de freins nécessaires pour neutraliser la voile. En cas d’arrivée sur le dos et à reculons, il garde la possibilité de se retourner vers le sol, en utilisant les élévateurs de son secours. Enfin, le montage et démontage du parachute est plus simple.
Inconvénients : le pilote n’est pas verticalisé après l’ouverture du parachute et on constate que les pilotes ont souvent tendance à rester assis dans leur sellette ou leur cocon. Il est essentiel de faire l’effort de se redresser en se tirant aux élévateurs du parachute. Une fois redressé, la position debout est moins stable.
Les deux systèmes présentent donc des avantages et des inconvénients qu’il faut connaître pour faire un choix pertinent. On notera aussi que, quel que soit l’ancrage choisi, cela n’a pas d’influence sur l’apparition d’un effet miroir.
Vitesse d'ouverture et retardateurs
Nous avons voulu mesurer l’impact des retardateurs sur la vitesse d’ouverture des parachutes. Nous avons donc tiré des parachutes pliés avec et sans retardateur, pour comparer.
Nos mesures montrent qu’on perd en moyenne 1 seconde lors de l’ouverture avec ces retardateurs. Ces retardateurs sont préconisés par certains fabricants pour diminuer les contraintes sur la voilure lors de l’ouverture et optimiser la stabilité : on réduit les risques de détérioration mais le parachute s’ouvre moins vite.
Ce retard à l’ouverture, quand il est trop marqué, peut déboucher sur un emmêlement avec la voile.
D’un autre côté, nous avons vu des secours devenir instables à cause d’une ouverture plus rapide induite par un pliage sans les retardateurs, initialement préconisés par le fabricant.
Mesures des vitesses d’ouverture : avec retardateur 4,45 secondes, sans retardateur 3,40 secondes.
Tous les fabricants de parachutes fournissent des manuels de pliage très complets et des vidéos souvent très bien faites.
Il est essentiel de respecter les préconisations du fabricant car ses recommandations tiennent compte à la fois la résistance du parachute, de sa vitesse d’ouverture et de sa stabilité.
Fréquence de pliage et vitesse d'ouverture
Nous avons mesuré les différences de vitesse d’ouverture entre un secours plié en usine plus de trois mois avant le test et un secours plié très récemment.
Avec le pliage récent, on gagne en moyenne 1,64 seconde lors de l’ouverture ! Un pliage récent améliore donc énormément la vitesse d’ouverture.
Les fabricants ont pour coutume de préconiser un repliage tous les six mois, On a vérifié qu’au-delà de trois mois de stockage, le temps d’ouverture se dégrade, pour ensuite se stabiliser dans le temps. La consigne habituelle de plier son secours tous les six mois devrait donc être revue.
Quoi qu’il en soit, avant d’installer votre parachute neuf dans votre sellette, repliez-le !
Nous avons également noté que les tissus très glissants et « secs » au toucher sont moins impactés par la fréquence des pliages car ils « collent » moins mais sont plus difficiles (car plus glissants) à replier.
Conclusion
Cette étude ne sera jamais finie car le matériel évolue constamment et notre expérience s’enrichit avec le temps. À ce titre, les stages SIV nous offrent une énorme base de données et l’occasion d’éprouver les parachutes et les enseignements qui en découlent. Ne perdons pas de vue l’objectif tel que nous le résumions en introduction d’un premier rapport : « d’un parachute de secours on attend surtout trois qualités : qu’il s’ouvre vite, qu’il soit stable et qu’il nous pose en douceur ». Et n’oublions pas que le plus difficile est de prendre la décision de le tirer !
Un grand merci à la FFVL et particulièrement à Jean-Claude Bénintende qui a tout de suite perçu l’intérêt d’effectuer ces travaux de recherche. Un très grand merci à SupAir et Neo sans qui ces tests n’auraient pas pu se faire, sans oublier l’aide précieuse d’ami(e)s bénévoles tels que Françoise Dieuzeide, Françoise Lerique, Pierre Pagani et Kti Devos.
Je remercie particulièrement David Eyraud et Christophe Waller pour leur précieuse collaboration et les échanges très constructifs que nous avons pu avoir ensemble sans oublier les différentes concertations, elles aussi très constructives, avec Hervé Gabet, Pierre-Paul Ménégoz, Bertrand Magdalena, Fabien Blanco, Jérôme Canaud et Vincent Teulier.
Nous avons abordé ensemble chaque thème, partagé et confronté nos avis, pour finalement arriver à ces conclusions.
Sans eux, ce travail n’aurait pas eu la même précision et la même qualité.
L’objectif d’harmoniser nos discours sur ces thèmes essentiels est atteint, pour le plus grand bien de l’activité et de la sécurité des pilotes.
MARC BOYER
Remarques émises lors de la consultation par les « experts » SIV
Christophe Waller
Avec le montage du secours aux maillons principaux de la sellette, nous préconisons de saisir les arrières immédiatement après le lancé du parachute pour être plus équilibré et plus efficace pour affaler la voile. Durant l’affalement, nous conseillons de bien maintenir les arrières tirés, ce qui demande une certaine détermination. Avec un vent relatif vertical important de l’ordre de 20 km/h, le redéploiement du parapente est immédiat en cas de relâchement des arrières.
Marc Boyer
Avec les systèmes d’accrochage sans cuissardes, de plus en plus utilisés, les sellettes ou cocons remontent plus haut dans le dos du pilote et l’empêchent de regarder sa voile lors de la neutralisation. Il y a aussi un risque d’étranglement avec la sangle pectorale. Les fabricants devraient concevoir des sangles pectorales élastiques.
Les pilotes arrivent assez souvent au sol ou sur l’eau sur le dos.
Un système simple tel qu’une suspente reliée à une poignée et à la drisse de l’apex (hémisphérique) ou à une drisse centrale (secours carré) permettrait de neutraliser le secours lors d’arrivée au sol par vent fort.
La plupart des parachutes ont de la finesse : parfois plus de un point.
Avec les systèmes d’accrochage sans cuissardes : fermeture frontale, de plus en plus utilisés, les sellettes ou cocons remontent plus haut dans le dos du pilote et l’empêchent de regarder sa voile lors de la neutralisation. Il y a aussi un risque d’étranglement avec la sangle pectorale. Répétition
Il serait judicieux d’indiquer la date du dernier pliage lors de l’installation d’un secours dans un container car il est fortement conseillé de replier un parachute neuf lors de son installation dans un container, surtout si le parachute est resté longtemps stocké.
Eyraud
Il faut respecter le pliage préconisé par le constructeur. Si le constructeur préconise un pliage avec retardateur, c’est pour éviter que le secours casse lors du test d’homologation. Il faudrait rajouter un test de rapidité d’ouverture par très faible vitesse pour éviter ce genre de pliage. J’ai vu des gros retards à l’ouverture de certains pliages. Une des qualités demandées à un secours de parapente est de s’ouvrir vite, même à faible vitesse. Les constructeurs devraient travailler la solidité sans retardateur.
Le plus important est d’affaler symétriquement. Neutraliser la voile avec des tours de freins fonctionne bien mais peut s’avérer assez long (il est possible d’attraper les drisses de freins au-dessus des poulies et de faire rapidement plusieurs brassées). S’il faut faire très vite, les élévateurs arrières peuvent s’avérer efficaces mais il faut attraper les suspentes au-dessus des élévateurs pour gagner en débattement et ne pas hésiter à ravaler.
On a vu le cas d’un pilote ne pas réussir à trouver sa poignée car elle était cachée par le cocon une fois le pilote sorti de celui-ci pour tenter de se détwister.
Gabet
J’ai remarqué que, concernant la stabilité des hémisphériques, plus le cône de suspentes du secours est long, plus le secours est stable.
La neutralisation de la voile se travaille facilement au sol, dans le vent, bord d’attaque au sol. Cela permet au pilote de prendre conscience de la gestuelle. Le pilote qui ne l’a jamais fait sera sûrement surpris la première fois, d’où l’intérêt de le faire une fois en milieu sécurisé. Après, ça ira tout seul.
Les secours vieillissent bien. On se moque de la porosité et les suspentes sont très solides avec une résistance qui ne se dégrade pratiquement pas, contrairement à nos suspentes de parapente. En revanche, il faut insister sur l’aération et le pliage régulier avec changement systématique des élastiques.