La 50e édition de la Coupe Icare était historique et, le deltaplane, étant à l’origine de l’histoire de ce rassemblement unique au monde, se devait d’y être… Et pour la 51e ?
«Waou, c’est génial ! C’est bluffant ! Tu as l’impression d’y être et de voler vraiment la tête en avant » conclut Freddy (deltiste, base jumper et wingsuiter) après avoir essayé notre simulateur de deltaplane immersif. Nous venons de le concevoir spécifiquement pour le 50e anniversaire de la Coupe Icare.
Évidemment, les compliments en tout genre et l’étonnement des personnes qui l’ont essayé nous font chaud au cœur. Le temps de quelques jours, nous sommes vraiment fiers de ce projet.
Mais quelle est l’histoire de ce simulateur delta en réalité virtuelle ?
Revenons un an en arrière. Nous sommes six à réfléchir sur les animations delta à mettre en œuvre pour la 50e Coupe Icare. Hellouin prend alors le pilotage d’un des sujets phares : il se lance dans la conception d’un nouveau simulateur delta.
Il souhaite construire un simulateur réaliste branché sur un PC permettant de détecter la position du pilote par une simple webcam grâce à des diodes infrarouges épinglées sur le harnais. Il y passe des heures de travail dans les locaux du delta club d’Annecy et cherche à affiner la détection des capteurs posés sur le harnais et à synchroniser le déplacement du pilote sous le portique avec celui du pilote du jeu, que l’on voit à l’écran.
Dans le simulateur d’Hellouin, les données en provenance de la webcam (modifiée pour capter les infrarouges) sont interprétées par le logiciel open source Opentrack, et utilisées ensuite par un autre plugin permettant d’émuler un joystick. L’ensemble du simulateur se comporte comme une manette joystick pour le jeu.
En revanche, moi, depuis le début du projet, je ne pense qu’à la solution VR (réalité virtuelle). J’ai déjà pu tester un casque de réalité virtuelle et je suis convaincue de l’intérêt gigantesque que cela peut apporter à la démonstration, voire à la pédagogie. Je supplie alors Hellouin de concevoir un simulateur qui pourra ensuite être adapté à un jeu VR. Lui, il n’y croit pas trop, il veut un jeu simple, facilement transportable et peu onéreux.
Je ne lâche pas l’affaire… de plus, j’avais une vague idée du logiciel delta dont on avait besoin. Bien avant qu’on prépare la Coupe Icare, j’avais lu des informations sur le logiciel bluffant (c’est bien le mot !) de Thomas Low, pilote californien, qui proposait une licence de jeu pour 65 dollars.
Il publiait quelques vidéos sur sa page Facebook que j’ai trouvées vraiment extraordinaires et surtout très réalistes. Tom reproduit de vrais sites de vol libre en 3D ; son logiciel élargit le potentiel de la VR à la connaissance d’un site avant même d’y aller voler !
Son jeu permet tout un tas de réglages : on a le choix du site (bord de mer, montagne, Saint-Hilaire-du-Touvet, etc.), on peut décider de la direction et force du jour ; de l’intensité des thermiques et du plaf… mais on peut aussi choisir entre une aile sans mât (plus difficile à piloter) ou une simple surface (plus facile), ou encore entre un full blue sky et un ciel balisé de petits cumulus… Dans les dernières versions «The Free Flight Experience», le jeu VR de Thomas Low, on peut aller sur une pente-école ou se faire remorquer par un ULM !
Tom, étant un vrai passionné et compétiteur, cherche la perfection et à amener son jeu à un niveau de réalisme élevé. Dans son jeu, on trouve des thermiques de la même manière que dans la vraie vie : en fonction de la nature du sol, des caractéristiques du relief, de son orientation, etc.
Mieux encore, on peut rajouter des deltistes dans le jeu qui enroulent avec nous ! En découvrant le jeu brillantissime de Tom, j’étais convaincue que c’était ce dont nous avions besoin pour «moderniser» le simulateur delta classique qu’on connaissait tous (portique + capteur + écran devant le joueur… donc de la 2D peu immersive).
Et le hasard fait bien les choses !
Pour que le projet de simulateur prenne une nouvelle tournure, il a fallu que je croise le chemin de Dom au Bar-sur-Loup. Durant un weekend de vol dans le sud pour découvrir le site de Gourdon en delta, j’ai rencontré Dom et sa femme Martine. Ils m’ont invitée à dormir à la maison et j’ai compris que Dom était déjà connaisseur et utilisateur de jeux de réalité virtuelle. Dans sa chambre d’amis, il avait son super PC, son joystick et son casque VR qu’il n’a pas tardé à me faire essayer. J’ai d’abord écrasé un ou deux avions dans sa maison avant de lui parler du fameux logiciel delta de Thomas Low, découvert quelques mois auparavant.
Il n’en a pas fallu plus à Dom pour qu’il se montre archi-intéressé par le fameux logiciel. Comme Dom était déjà équipé côté informatique, la licence à 65 euros n’était pas un obstacle au test.
Dès les premiers essais, Dom et Martine deviennent de grands fans et, comme moi, sont enthousiastes à l’idée de travailler sur un nouveau simulateur delta plutôt révolutionnaire, disons-le.
Ensuite, les événements s’enchaînent tout seuls… On prend contact avec Tom en Californie, Dom et Tom échangent régulièrement, Tom est entièrement à notre service tout l’été afin d’adapter le jeu au mieux à nos besoins de démonstration. Il est extrêmement efficace et réactif. Je sais que, comme nous, lui aussi il a une chose en tête et au fond du cœur : partager sa passion pour le delta avec les autres.
À notre demande, il modélise en 3D le site de Saint-Hilaire-du-Touvet en moins de 24h et rend possible le vol virtuel depuis le décollage sud et avec des détails incroyables !
Le projet nous embarque tellement ! C’est passionnant ! Après quelques chiffrages (choix du PC, choix du casque), le projet est validé au CND (comité national delta) où il reçoit un soutien unanime. Une fois le go donné par le CND, Hellouin n’a plus d’autre choix que de nous suivre dans l’aventure VR. En juin, Dom et Martine travaillent sur leurs propres logiciel et matériel VR depuis chez eux dans le sud, Hellouin met au point le portique fixe avec Alain. En juillet, on se retrouve tous les trois à Ager pendant les championnats de France de delta où on passe enfin commande. Courant août, Dom et Hellouin travaillent énormément, toujours à distance, jusqu’à la coupe des clubs delta, fin août, puis le mercredi de la Coupe Icare, la veille de notre véritable installation, où nous nous sommes enfin tous réunis : Dom, Hellouin, moi et d’autres animateurs bénévoles (Alex et Sean) pour se former au logiciel et à l’animation qui est encore tout un art. Pas simple. Car le logiciel n’est pas conçu à l’origine pour des fins démonstratives mais bien pour des joueurs pilotes de delta qui savent piloter et qui ont des connaissances en matière de jeu VR. Il ne prévoit pas l’animateur ni le public novice. Alors bravo à tous ceux qui ont travaillé sur le simulateur en amont ou pendant la Coupe Icare, car vous avez relevé le défi et mené le projet à sa réussite ! Depuis, le simulateur a encore élargi son domaine d’application. Le club-école d’Annecy vient d’acquérir son propre simulateur et travaille avec Dom sur son adaptation à des fins pédagogiques. Mais ce sujet passionnant pourra être développé davantage dans un autre article, car le simulateur VR n’était pas la seule animation delta proposée à la 50e Coupe Icare. Le deltaplane, bien représenté pour cette 50e, pour nous deltistes, la semaine de la Coupe Icare a débuté dès le lundi 18 septembre. Grâce au programme concocté par Baptiste, il y avait de quoi remplir les journées malgré la météo hésitante : ateliers théoriques (centrage, réglages, débriefing de vols, tuto cross à Annecy, tuto cross à Laragne) et ateliers pratiques (révision d’aile avec Xavier Vergès), «vol polaire» pour déterminer la courbe polaire de son aile, découverte des sites autour de Saint-Hilaire, de quoi faire venir des deltistes un peu avant le weekend. Du côté du «salon d’Icare», à l’arrière des deux grands chapiteaux des exposants (derrière le stand Ellipse), un petit chapiteau de 5 x 5 m’a permis d’installer un stand deltaplane pour accueillir le fameux simulateur delta et le public de tout âge.
Non seulement les personnes (plus d’une centaine) qui l’ont essayé ont toutes adoré les sensations VR, mais les deltistes qui se sont prêtés au jeu s’accordent à dire que c’est très très prenant et vraiment proche de la réalité. Le succès était tellement grand que le dimanche matin à 10h, nous n’avions déjà plus de créneaux disponibles pour la journée, tout avait été réservé. Merci Martine pour la gestion des files.
Les ateliers découverte ont été tout autant appréciés. Notre plat-école (on ne pouvait pas vraiment dire qu’il s’agissait d’une pente) se trouvait en bas de la pente du concours de finesse, côté nord, dans la cuvette herbeuse. La pente voisine était trop forte pour faire une véritable pente-école. Grâce à une météo idéale, nous avons réussi à initier plus d’une centaine de personnes, en leur faisant faire une «course pilotée» sur du faux plat : prise en mains, gestuelle de la mise en incidence, course accrochée à l’aile… et premières sensations de portance. Il y avait beaucoup de sourires sous les casques et déjà quelques prises de contact pour aller plus loin !
Le deltaplane de 1970 à aujourd’hui : pendant toute la manifestation, la pente à proximité du stand accueillait une exposition d’ailes anciennes et modernes.
Le vol delta du dimanche
Annulé le samedi pour cause de vent arrière, le défilé en vol d’une vingtaine de pilotes delta a bien eu lieu le dimanche après-midi, depuis le décollage sud. Non seulement les conditions ont permis de faire le show pendant plus d’une heure, mais le public du déco sud a fait connaissance avec deltaplanus diabolicus !
Ce projet d’animation a réuni environ une quarantaine de bénévoles deltistes venus de toute la France. Il est maintenant clair que cette mobilisation a un réel impact sur l’image que nous donnons de notre discipline au grand public, la Coupe Icare est une vitrine extraordinaire. Cette présence historique à la 50e a finalement reposé sur une bande de deltistes convaincus de la nécessité de se montrer.
Nora Peter