VOLER EN FRANCE
Les vraies raisons de l’immigration en France !
Il y a entre 150 000 et 200 000 Britanniques qui vivent actuellement en France. La plupart viennent pour l’image de carte postale de la France, c’est-à-dire la cuisine, la culture et la météo (enfin, pas pour ceux qui s’installent plus au nord que Paris !). Au Royaume-Uni, l’image de la France est associée à une vie de luxe. On ne voit que L’Oréal, le festival de Cannes et des films qui ne montrent que les quartiers chics de Paris.
C’est pour cette raison que je n’ai jamais été intéressé par l’idée de venir m’installer en Europe continentale, encore moins en France. Pendant mon adolescence, je ne faisais presque aucun effort pendant mes cours de français à l’école. Je détestais l’imaginaire d’un pays où tout le monde trimballe ses bouteilles de parfum avec une apparence immaculée. Une caricature, sûrement, mais dans ma tête, c’était vraiment la réalité. Moi, j’aurais choisi une conserve de « Heinz baked beans » plutôt qu’un filet mignon, n’importe quel jour de la semaine.
Vous (et sûrement mon moi adolescent) serez donc un peu surpris de lire que, quand j’ai reçu une offre d’emploi à Lyon, je n’ai pas du tout hésité à dire « oui… vous voulez que je déménage quand ? ». Car, après avoir passé quatre ans sur des collines trempées d’Angleterre, j’étais prêt à partir ! Surtout avec la promesse des Alpes françaises, une image enveloppée de mystère, de temps en temps dévoilée par des vidéos YouTube de pilotes d’Annecy.
Mes premiers sauts dans le ciel
C’est avec une grande appréhension, un mélange de peur et d’impatience que, quatre mois après mon arrivée en France, je me suis retrouvé au tremplin de Saint-Hilaire, prêt à partir. Grâce au club ASUL Vol Libre, j’étais avec beaucoup d’autres pilotes plus expérimentés que moi. Par contre, pendant tout le trajet dans le camion du club, ainsi que pendant le dépliage, je n’ai pas pigé grand-chose. Quand je suis arrivé en France, je ne parlais ni ne comprenais très bien le français. Pendant mes quatre premiers mois à Lyon, avant mon premier décollage, j’avais atteint un niveau de français intermédiaire grâce à mes huit colocataires (oui… huit, tous français !) mais le vocabulaire que j’entendais au décollage était assez différent du français que j’avais appris. Je n’entendais pas de trucs « oufs », ni de conversations à propos des « teufs »… mais plutôt des discussions sur le « plaf’ » de la journée et la partie de la falaise qui « marchait le mieux ». Bref, j’étais complètement perdu, devant le tremplin le plus effrayant du monde (surtout que j’étais habitué aux grandes collines herbeuses d’Angleterre).
Mais… quelques grandes respirations… un regard dans l’abîme en dessous de moi… et puis « let’s go ! ». Ma peur a vite disparu, une fois que j’ai regardé des oiseaux voler avec le massif de Belledonne enneigé au fond. Je n’ai passé que 30 minutes dans le ciel avant de décider d’atterrir mais, tout de suite, je suis devenu accro. Pour vous, les Français, c’est tout à fait normal de monter en thermique au printemps, vers 2 000 m, voire plus de 3 000 m. Pour moi, l’altitude la plus haute que j’ai atteinte au Royaume-Uni est 4 700… pieds (bien sûr !) ce qui fait à peu près 1 400 m). J’y ai connu les thermiques, mais ils n’étaient pas très forts, et plutôt petits. Et quand on est dans le ciel, on doit se contenter de vues sur les « Rolling hills of England », belles, c’est sûr, mais rien à voir avec la Chartreuse, sauvage, massive et imposante.
Les particularités du vol libre français
Dans les mois suivants, je me suis aventuré vers d’autres sites, notamment la Forclaz à Annecy et Laragne, la Mecque du deltaplane, où j’ai fait mon premier cross. Le rythme des vols en France était, au début, assez nouveau pour moi. Au Royaume-Uni, on ne se demande pas comment on va aller sur un site, on s’y rend en voiture. On ne se pose pas la question de savoir s’il y aura un chemin là-bas, ou s’il sera goudronné. On peut normalement atterrir juste à côté de nos caisses, et souvent, on atterrit et décolle plusieurs fois dans la journée pour faire des pique-niques. Si, par hasard, on atterrit en bas, on peut facilement remonter à pied vers le lieu de décollage. Ce n’est habituellement qu’entre 100 et 300 mètres de dénivelée ! Ce sont des avantages par rapport au rythme français. En France, c’est généralement impossible d’atterrir au décollage (surtout en deltaplane). Pour y monter, il faut donc s’organiser, soit entre potes, soit avec des navettes (et de temps en temps, c’est compliqué pour les deltistes !). Pas de possibilité d’atterrir pour faire un petit pique-nique : quand on se pose, ça veut habituellement dire que la journée est finie.
L’organisation du sport
Une autre différence marquante, c’est l’importance du sport en général en France, y compris le vol libre. L’année dernière, après avoir atterri tôt pendant le championnat de France, je suis allé au bar pour soulager ma frustration. J’ai vu l’organisateur du championnat, Manu, connu par tous les deltistes en France, et je me suis assis juste à côté de lui. Il était en train de travailler durement, et je lui ai demandé si je pouvais l’aider.
– Oui, bien sûr, tu peux m’aider à organiser les récupérations des pilotes… c’est fait par nous-mêmes, les organisateurs.
– Ah ouais, j’ai répondu, c’est très sympa que tu fasses du bénévolat pour le championnat !
– Eh bah… pas du tout, c’est un TAF salarié !
Je ne le savais pas, Manu était embauché pour organiser les activités du deltaplane en France. Il m’a dit qu’il est officiellement un fonctionnaire, ce qui m’a vraiment étonné.
– Mais tu veux dire que l’État français soutient spécifiquement la pratique du deltaplane en France ? L’État soutient des gens qui sautent des montagnes avec une sorte de cerf-volant attaché à leur dos ?
– Bah, c’est une évidence, le soutien de tous les sports est très important en France.
Eh bien, c’est facile à voir. Il y a presque toujours des infos sur un panneau d’affichage sur chaque site de vol en France (normalement gratuit). Au niveau national, il y a beaucoup d’événements, y compris les championnats très bien organisés, mais aussi bien sûr la Coupe Icare, qui rassemble des milliers de pilotes de toute la France et du monde. La volonté des pilotes est clé et il y en a beaucoup au Royaume-Uni aussi. Par contre, la volonté sans l’argent ne va pas très loin. Au championnat britannique, on doit s’organiser nous-mêmes pour être récupérés, car il n’y a pas un Manu qui s’en occupe. Il y a très peu de subventions pour encourager les jeunes à essayer le deltaplane et poursuivre sa pratique, par rapport à la réalité en France, où je suis remboursé de 250 € après avoir fait faire la révision de mon aile, car j’ai moins de 30 ans !
Le rêve du vol libre français
Et voilà, le ciel français vu par un Britannique. C’est clair qu’il y a des trucs qui me manquent du vol libre au Royaume-Uni et il aura toujours une place spéciale dans mon cœur. C’est le pays où j’ai fait mon premier décollage, mon premier cross et mon premier plafond aux barbules. Mais le vol libre en France m’a envoûté. Confronté à une mutation à Bruxelles l’année dernière, j’ai pris la décision irrémédiable de quitter mon poste de journaliste international et de changer de métier pour être prof d’anglais (comme vous le lisez actuellement, l’écriture en français n’est pas l’un de mes points forts, du coup, difficile d’être journaliste d’information en français !). Tout ça, non pas parce que j’ai rêvé de répéter « the cat sat on the mat » aux français cinq fois par jour en cours, mais parce que ça m’a permis de m’installer à Grenoble, où je pourrai me concentrer sur les sports de montagne, y compris, bien sûr, le deltaplane ! Même si j’ai eu pas mal de difficultés en emménageant en France, je ne peux pas imaginer vivre ailleurs maintenant. La pratique du deltaplane en France est la principale raison pour cette nouvelle réalité pour moi !
Rhal Ssan