Progresser !
Comme je l’écrivais dans un précédent Vol Passion (n° 117, juillet 2022), je n’ai jamais eu en tête de faire de la compétition en delta et pourtant… j’ai compris que se fixer un but et voler à plusieurs m’apportait un réel plaisir dans le vol, deux ingrédients que l’on retrouve dans la compétition.
Cela m’a pris deux ans (oui, VP 123 – VP 117 = deux ans, c’est comme ça !) pour concrétiser ça et c’est l’open de Laragne 2024 qui m’a permis de réellement participer à ma première compétition, en classe Sport. Annulée l’année précédente, pour cause météo comme l’open d’Annecy 2023, l’édition 2024 a quand même dû être reportée. Mais grâce à la rafale de jours fériés du mois de mai, j’étais encore disponible pour les dates de report, sur le pont du 8 mai, et je tenais enfin ma première occasion de tenir mon engagement.
D’abord, la préparation !
Bon, alors on peut tout de suite arrêter la musique de Rocky, il n’y aura pas de séquence accélérée de moi en train de courir et de faire des pompes, les dents serrées et le regard conquérant. Pour moi, la préparation de cette compétition a surtout consisté à… relire le mode d’emploi de mon vario pour savoir comment rentrer une manche… Ça m’a pris une bonne semaine (de vacances en famille) pour préparer des balises fictives dans la ville de Strasbourg (mon lieu de vacances) et essayer de naviguer sur une route rapidement saisie une fois qu’on avait décidé de la balade du jour. Moquez-vous si vous le voulez, mais… j’ai appris beaucoup de choses, mine de rien !
D’abord, mon vario-GPS n’étant pas un modèle de compétition, il y a certaines choses qu’il ne gère pas ou simplifie. Notamment, la première balise de la route est considérée comme le décollage et non comme la start. Donc ne pas oublier de rentrer le déco même s’il ne fait pas partie de la liste des balises sur le panneau du briefing. Ensuite, le vario ne lance pas la navigation tant qu’il ne détecte pas le décollage, c’est-à-dire plus de 20 km/h et +/- 0,5 m/s de variation d’altitude. Donc il a fallu convaincre la famille de prendre le tram (parce que courir à 20 km/h dans la rue, comment dire…). C’est là que j’ai compris qu’il n’y a pas beaucoup de pentes à -0,5 m/s dans Strasbourg (aucun guide touristique ne prévient !). Mais grâce à une petite prise de vitesse du tram dans un faux-plat, mon vario a enfin validé le décollage, alors qu’on approchait déjà de B1. Je n’ai pas réussi à convaincre le chauffeur de retourner en arrière pour repasser la start qu’on avait loupée (c’est très rigide un chauffeur de tram).
Ensuite, mon vario ne gère pas les heures des différentes starts. Donc j’ai juste réglé l’alarme sur ma montre. Et j’ai prié pour que les starts ne soient pas définis par une balise et un rayon dont il faut sortir (ça non plus, il ne gère pas).
Première résolution : commencer à regarder les vario-GPS « compétition »…
Trop de vent ne veut pas dire qu’on ne va pas voler…
Parmi mes premiers apprentissages en compétition, il y a le recalibrage des conditions volables. Ce mercredi 8 mai, lorsque la navette est arrivée au déco nord de Chabre, il y avait 25 km/h de vent avec des passages marqués à plus de 30 km/h. De quoi faire baisser mon stress du premier jour, je ne descends même pas mon aile de la navette, la manche va être annulée. Mais au bout d’un quart d’heure, je voyais les ailes se monter autour de moi et le comité de pilotes commencer à réfléchir à une manche. Ah bon, d’accord !
Seul, je n’aurais jamais volé. Là, tout le monde était confiant et, en vrai, ça s’est très bien passé. Bon, personnellement, j’ai trouvé que les thermiques étaient un peu difficiles à enrouler, mais ça n’a vraiment pas empêché les classe 1 de faire une manche de 97 km avec quatre pilotes au but à Oraison. Les cinq pilotes de classe Sport ont de leur côté balayé toute la crête de Chabre pour valider les deux premières balises (22 km) et espérer monter suffisamment pour se lancer vers le sud vers la troisième. Au bout de deux heures, on s’est tous retrouvés posés au camping de Laragne. Personne d’entre nous n’a osé partir vent arrière depuis le sommet des thermiques qu’on perdait souvent vers 1 750 m.
Bon, finalement, c’est rassurant, personne n’a le couteau entre les dents et on a quand même bien rigolé le soir à la pizzeria lorsque les résultats sont tombés et que le meilleur d’entre nous n’avait que 1,7 point de plus que le dernier à avoir fait la B2.
Seconde résolution : ne pas dédaigner un vol parce que les conditions paraissent difficiles.
On va plus loin à plusieurs !
Non seulement le cadre de la compétition permet de disposer d’une analyse des conditions beaucoup plus solide que lorsqu’on est seul, mais une fois en l’air, c’est quand même très rassurant de voir des ailes qui montent, de les rejoindre (même si on arrive bien en retard) et de voir qu’elles continuent de progresser le long du parcours, ce qui donne pas mal d’espoir pour aller voir plus loin même si on se décourage lorsqu’on peine à faire le plafond. Avec toute la crête de Chabre balisée par plus d’une vingtaine d’ailes, on est vraiment encouragé à explorer, insister puis rejoindre l’endroit qui monte le mieux et ça permet de se dire « aucune raison de ne pas continuer ».
Troisième résolution : arrêter de partir dans les derniers, autant profiter de ceux qui ne sont pas encore trop loin devant.
En outre, en classe Sport, on est un peu aidé lorsque la manche de classe 1 passe par les mêmes balises mais avec d’autres balises intermédiaires ou des rayons plus courts, car malgré leur vitesse supérieure, leur parcours plus long permet de les garder dans la même zone que nous plus longtemps.
S’en fout de la start ?
Pour aborder ma première compétition en faisant baisser le niveau de stress, j’étais convenu avec moi-même de ne pas me soucier de la start, ni du chrono. J’anticipais que rester au plafond en attendant l’heure de la start et me placer correctement pour franchir la ligne à l’heure dite consommerait probablement déjà trop de bande passante dans mon cerveau que je voulais garder un peu disponible pour m’appliquer dans les thermiques et voler en sécurité dans la grappe.
Cette politique m’a permis de me préparer, décoller et monter de façon très sereine et, sur deux manches, j’étais tellement décrispé que… j’ai franchi la start un peu par surprise et pas très longtemps après que ma montre ait sonné (bon, il reste quand même deux autres manches où j’ai passé la start comme une merde, hein !). Mais finalement, j’ai pu garder du cerveau pour gérer le reste (vol en grappe, plafond, choix de l’itinéraire) et je n’aurais pas gagné grand-chose en optimisant ma start, donc je vais considérer que pour débuter, c’était probablement une option raisonnable. Pour moi, l’important, c’était d’être en l’air avec les autres et me lancer sur le parcours.
Quatrième résolution : je continue encore un peu à ne pas trop me soucier de la start ni du chrono, ça viendra lorsque je serai à l’aise avec le reste.
Quand on connaît le site, c’est… mieux !
Au risque d’écrire une banalité, je précise tout de même que cela m’a bien aidé d’avoir déjà fait des vols de distance depuis Laragne et les sites alentour. Mais ce qui m’a également beaucoup appris, c’est d’en parler avec les pilotes sur le déco. Comme pour la machine à café au boulot, il se passe plein de choses importantes devant la carte du briefing dans les discussions entre pilotes. Et il n’est même pas certain que ce soit mon niveau (zéro) de compétiteur qui ait désamorcé toute méfiance de la part des concurrents qui me donnaient des trucs : la plupart des pilotes ne sont pas avares d’informations ni de conseils. C’est donc là que je me suis rendu compte que… je ne connaissais finalement pas si bien que ça le coin !
Cinquième résolution : monter mon aile plus vite pour pouvoir passer plus de temps à traîner autour du panneau de briefing.
S’en fout du chrono ?
Quand on vole à Laragne ou Aspres, on sait que les antennes de Beaumont sont une « plaque tournante » de beaucoup de circuits. Alors, à la troisième manche, lorsqu’il s’agissait de tourner la B1 près du col Saint-Jean pour ensuite aller chercher B2 vers Aspres, je n’ai pas hésité une seconde à quitter la crête de Chabre à 2 600 m pour tracer une diagonale directe vers Beaumont depuis le col Saint-Jean. Trop confiant, je ne me suis pas demandé pourquoi les autres pilotes restaient sur la crête de Chabre ni pourquoi je me suis retrouvé tout seul à l’approche de Beaumont. Dix minutes plus tard, j’étais posé dans la vallée du Buëch, à me demander comment j’avais pu croire qu’il y aurait des thermiques alors que Beaumont était à l’ombre d’un large étalement de nuages depuis plus d’une heure.
Sixième résolution : ne pas croire qu’on n’a pas besoin de suivre les autres.
Même si c’est plié, il reste toujours quelque chose à tenter !
M’être rendu compte de cette erreur le vendredi ne m’a absolument pas empêché de ne pas la refaire le dimanche. Je pars comme une furie depuis Chabre en direction de B1 qui se trouve vers Serres, avec l’idée que Beaumont est un relais incontournable. Sauf que ça passe mieux avec un relais sur le relief entre Orpierre et Trescléoux ainsi qu’un peu de soleil, deux ingrédients qui m’ont manqué ce jour-là.
Et je me retrouve à descendre dans la vallée dans le même coin que l’avant-veille. Là, il faut bien avouer que je ne me voyais pas expliquer que j’avais fait deux fois la même erreur et que c’est donc uniquement l’orgueil qui m’a poussé à me battre dans le petit bout de thermique près de la butte de Montrond, juste histoire d’aller poser un peu plus loin !
Lors d’un vol de loisir, j’aurais fait quatre ou cinq tours dans ce thermique d’à peine 0,6 m/s, avant de me résoudre à poser. Là, j’étais préoccupé par l’idée que les autres étaient peut-être allés plus loin et, quitte à avoir un peu de gaz pour choisir une vache, autant que ça soit dans la direction de la balise suivante, histoire d’avoir quelques points de distance de plus. Résultat, après 25 minutes dans du 0,8 m/s, j’avais repris assez de gaz et d’espoir pour me lancer vers Serres et valider la balise. La même envie de grappiller quelques kilomètres vers la balise suivante m’a ramené vers Montrond, mais trop bas pour retrouver le thermique salvateur. Je pose dans un champ juste avant celui que j’avais visé lors de mon point bas (merci à Daniel, lui aussi posé là, de m’avoir montré la direction du vent qui n’était pas évidente à deviner). Ironie du sort, Paolo a posé dans le champ que j’avais initialement visé, c’est-à-dire 400 m plus loin. Ça lui permet de remporter la manche, mais moi, au bord de mon champ, il y avait un distributeur de produits fermiers, ce qui a permis d’agrémenter la récup avec des fraises et du pétillant de pommes !
Septième résolution : ne pas abandonner, même 0,6 m/s peut permettre d’aller bien plus loin.
Voler loin et poser mieux !
Cela peut sembler contre-intuitif, mais lorsque je me vache dans un champ inconnu, j’ai une tendance statistique à poser mieux qu’au terrain officiel. Je ne suis pas certain qu’il existe des psychanalystes compétents pour expliquer cela, mais il est clair que la compétition entraîne à bien poser en terrain inconnu (surtout quand on est trop nul pour faire le but). Peut-être qu’on est plus attentif, peut-être qu’on se dit qu’il faut absolument éviter de poser roulettes sur un sol qu’on n’a pas vu de près… ou peut-être que l’urgence de trouver un terrain et lire la direction du vent empêche de trop réfléchir et qu’on retrouve une gestuelle instinctive moins polluée par la gamberge qui se met en place quand on met dix minutes à tricoter une approche sur le terrain officiel.
Des traces dans tous les sens !
Bien entendu, un des grands apports de la compétition, c’est après la manche. D’abord pour les discussions avec les autres pendant qu’on replie les ailes (c’est d’ailleurs la principale raison de faire le but). Puis celles autour de la bière (ou du repas du soir vu qu’on a déjà passé 1 h 30 à plier l’aile en bavardant !)
Mais ensuite, il y a l’intérêt de disposer des traces des autres compétiteurs. C’est plus intéressant que d’analyser une trace quelconque : là, on a des traces qui passent à peu près aux mêmes endroits, à peu près aux mêmes heures et pourtant… on voit des différences ! Le même thermique qui monte plus vite, par exemple, mais on s’aperçoit que le rayon de virage est plus court, c’est bien le même thermique, mais un des pilotes l’a mieux noyauté. Des transitions parallèles, à 300 ou 400 m d’écart, mais l’une montre un meilleur taux de chute que l’autre, ou bien plus rageant encore, la trace qui montre que le thermique qu’on n’a pas trouvé était apparemment 200 m plus loin sur la même crête !
Neuvième résolution : j’arrête l’abonnement Netflix, les traces des vols déclarés vont bien occuper les soirées d’hiver.
Une super dynamique de groupe !
Il n’y a pas qu’en l’air que l’effet de groupe permet de mieux voler grâce aux autres. Il y a toute la logistique de la compétition : les briefings, le choix des manches, les récup’… En une semaine de compétition, on fait plus de vols qu’en une semaine de vacances. Pas besoin d’avoir l’esprit de compétition, pas obligé de se mettre la pression, mais on gagne à coup sûr plus d’heures de vol et plus d’expérience.
Quand est-ce qu’on recommence ?
Eh ben, en août, il y a les championnats de France, fin août/début septembre, il y a l’open d’Annecy et également bon nombre de challenges durant l’été. Je suis déjà en train de valider mon inscription !