Je me souviens encore de cours interminables à l’école, dispensés par des professeurs à la voix monocorde qui me faisaient bâiller dès le premier mot sorti de leur bouche. Aucune passion, aucune implication émotionnelle, rien. Et moi, j’étais là, « obligé » d’assister au cours, mais la tête ailleurs.
Tu dois te demander où je veux en venir, et quelle est la similitude entre une leçon obligatoire et ennuyeuse à l’école et un cours de kitesurf que tu as choisi de suivre …
La réponse est que chaque cours, même s’il s’agit du sport ou de la branche que tu aimes le plus, te confrontera tôt ou tard à des moments pénibles et/ou difficiles qui te pousseront à abandonner. Dans le cas du kite, ces moments se traduisent par la peur de la traction, la frustration de ne pas progresser comme tu l’espérais, l’ennui de la répétition des exercices de base, l’idée que ce n’est pas pour toi, etc. Pour surmonter ces moments, il est nécessaire de ressentir en soi cette flamme et cette passion que seul ton moniteur peut te transmettre.
Mais comment un instructeur peut-il te véhiculer cette passion et quel est le lien avec le concept d’empathie ?
1. Stimuler le désir
Dans la transmission des connaissances, il est primordial de stimuler le désir, d’attirer l’attention de l’apprenant. Chaque exercice ou source de connaissances n’est pas toujours intéressant pour l’auditeur. Il faut toujours se demander pourquoi c’est important du point de vue de l’élève et transmettre le message comme quelque chose qui représente une valeur ajoutée, sans jamais donner l’impression qu’il s’agit d’une contrainte. La cause finale est plus importante que les causes efficientes. Il faut attirer et séduire pour transmettre la passion et inciter les élèves à étudier ou à accomplir des exercices ennuyeux et apparemment inutiles. On ne peut pas se contenter de le pousser avec insistance dans l’espoir de le voir s’acquitter de ses tâches.
Un bon enseignant est celui qui parvient à utiliser sa passion, sa culture et ses compétences d’une manière si séduisante qu’il captive son auditeur. L’objectif est d’identifier et de communiquer les effets positifs que chaque proposition de l’enseignant stimulera dans l’apprentissage futur de l’élève.
Par exemple, si tu dois faire de la nage tractée, quelle attitude de ton moniteur te séduira le plus ?
- Pour la nage tractée, tu vas devoir te mettre dans l’eau, à plat ventre, et réaliser quelques mouvements avec l’aile pour te faire tracter. Tout est clair ?
- On passe désormais à un exercice aussi fondamental que ludique, l’objectif étant de sentir enfin la traction du cerf-volant et de la maîtriser. Tu veux monter sur la planche et être capable de contrôler ton aile, alors concentre-toi bien sur cet exercice et tu verras que tu y es presque. En quoi cela consiste-t-il ? Sentir enfin la véritable traction et la puissance de l’aile, et la générer en toute sécurité en glissant sur le ventre. Les premières sensations sont garanties ! Alors qu’en dis-tu, es-tu prêt ?
Il y a des façons et des moyens de présenter les exercices et les sujets. On peut être comme son professeur d’école, monotone et robotique, ou comme son artiste préféré qui donne envie de ce dont on n’a pas besoin ou que l’on ne connaît même pas.
2. Pourquoi parler d’empathie dans l’enseignement du kitesurf ?
Si l’on souhaite susciter le désir des autres, il faut apprendre à connaître l’autre, et surtout se mettre à la place de l’élève de manière désintéressée et sans jugement, c’est-à-dire faire preuve d’empathie.
Tous les élèves sont différents et réagissent de manière hétérogène. D’une part, et d’un point de vue plus technico-physique, il faut déterminer les exercices à réaliser dans une durée suffisante pour ne pas dépasser un seuil critique au-delà duquel chaque exercice perd de son efficacité, en étant capable de mesurer la fatigue, tant physique que mentale (seuil d’attention et de compétence) de l’élève.
D’autre part, d’un point de vue plus émotionnel, il est nécessaire d’entrer en contact plus profond avec les sensations du stagiaire et de comprendre son état d’esprit (peurs, exaltation, doutes, etc.) afin de s’adapter de la meilleure façon possible.
L’encourager lorsqu’il se décourage, le pousser raisonnablement lorsqu’il est bloqué par la peur, le contraindre lorsqu’il est trop excité ou fatigué, le réprimander lorsqu’il enfreint les règles, etc.
Dans un environnement de plein-air, en contact avec la nature, nous ne sommes pas à l’abri de dangers potentiels et trouver le bon équilibre n’est pas facile. Dans certains cas, la patience doit être « infinie », et plus encore la capacité à se mettre dans l’état d’esprit ou la situation de l’élève pour appuyer sur les bonnes touches qui déclencheront ou préserveront chez lui l’envie de progresser.
3. Faire preuve d’empathie
L’enseignement, tel que je le conçois, est une vocation qui cache des sacrifices importants. Commençons par l’idée que je ne suis pas d’accord avec le dicton : « le client est roi », car si la personne est impolie, qui que ce soit, il faut la remettre à sa place. Mais je suis convaincu qu’un client/élève, qu’il soit en détresse émotionnelle ou physique, qui te gêne et te complique la tâche, doit être compris et aidé sans montrer pour autant des signes d’altération.
Mais l’empathie ne s’apprend pas, à moins d’être un véritable acteur. C’est une qualité cachée que l’on doit avoir en soi. Quels que soient les efforts d’une personne pour se montrer empathique, on peut lire sur son visage l’exaspération, le désintérêt et le désir de laisser tomber.
Être empathique, c’est s’intéresser « vraiment » à l’autre, c’est vouloir « réellement » l’aider, et non pas se contenter du strict minimum pour gagner sa vie. Être empathique, c’est se remettre en question et essayer de voir les choses d’un autre point de vue en prenant en compte la perspective de l’autre, en souriant et en encourageant même quand on est au bord de la crise de nerfs. Savoir écouter et observer est primordial.
Chaque métier requiert des qualités spécifiques, souvent évaluées lors d’un entretien, ce qui n’est rien d’autre qu’un test de personnalité visant à déterminer si le candidat est le bon. Il devrait en être de même pour un moniteur de kitesurf, qui devrait être évalué non seulement sur ses compétences techniques, mais aussi sur sa capacité à fasciner et à transmettre un message avec un mode de communication approprié.
La disposition à transmettre des informations est primordiale en kitesurf, car, parmi les diverses instructions techniques, le moniteur a également le devoir de fixer des limites, de dire non et d’avertir l’élève des dangers sans lui faire peur inutilement, en lui permettant de pratiquer en toute sécurité. Pour cela, une confiance totale doit s’établir entre le moniteur et l’élève. Un moniteur de kite doit construire l’identité d’un nouveau rider et doit être responsable de la façon dont ce dernier se comportera à l’avenir sur les spots (même si le temps disponible, souvent quelques heures, est insuffisant pour atteindre le bon résultat).
4. Conclusion
Tous les stagiaires et tous les moniteurs sont différents les uns des autres, et l’objectif est de trouver le moniteur qui correspond le mieux à ta personnalité et à ta façon d’assimiler l’information.
Cependant, il ne faut pas oublier une chose : l’absence d’empathie génère la démotivation et la « dépression » chez l’auditeur. Que tu sois un élève débutant en difficulté ou un élève plus avancé en réussite, si le moniteur ne s’intéresse pas à ta progression, en te rassurant et te motivant, et qu’il ne trouve pas les justes mots pour te pousser à t’améliorer, ton moral en souffrira, ainsi que ta progression. Il m’est arrivé à plusieurs reprises de voir des élèves qui semblaient se sentir comme un fardeau pour le moniteur parce qu’ils n’arrivaient pas à progresser, ou d’autres qui continuaient à faire les mêmes exercices encore et encore sans évoluer comme ils l’auraient voulu à cause d’un manque de conseils ou de motivation. Dans les deux cas, le manque d’empathie est l’une des causes principales qui font que l’élève ressent le manque total d’intérêt du moniteur. Et comment l’élève pourrait-il se motiver si le moniteur est le premier à se désintéresser de son travail ?
Inversement, un instructeur empathique sera plus apte à s’intéresser et à s’adapter aux besoins des différents élèves et à comprendre leur état d’esprit, un point crucial pour créer ce lien ou cette relation de confiance entre l’élève et l’instructeur qui les motive tous les deux.
Que ce soit dans l’enseignement ou l’entraînement à haut niveau, l’empathie est importante pour être polyvalent et enseigner/entraîner tous les types de profils. L’empathie permet de se mettre à la place de l’élève et de comprendre comment il souhaite être traité.
Ne souhaiterais-tu pas la même chose si tu étais l’élève ou l’athlète ?